Jour J.
Voilà j’y
suis. J’arrête de fumer. Motivé. Ouais j’ai la gagne, je suis un WINNER. J’y crois, j’y crois, j’y crois. Patch mis.
Allez c’est parti, roulez jeunesse !
2ème
jour.
J’ai très peu de crises de manque mais elles
peuvent être assez fortes, un bonbon ou un verre d’eau, et ça disparait. C’est gérable, je gère même. Par
précaution, j’ai suivi les instructions, je garde le patch la nuit.
Pas du tout
à cran, moi qui pensait mordre tout le monde. Demain je vais courir. Je me sens
libre !
3ème
jour
Nuit de
merde. C’est le manque c’est sur. Un sommeil agité, des rêves bizarres, du coup
j’étais un peu à cran aujourd’hui. Et ce connard, qu’est ce qui foutait aussi à
fumer dans la pièce à café. D’un ton posé je lui dis d’aller dehors, et l’autre
me sort que je ne vais pas commencer à faire chier, tout ça parce que j’ai
arrêté. Je suis sorti en claquant la porte, trop envie de lui foutre mon point
dans sa jolie petite gueule.
Je vais
courir, une douche, au lit, il faut que je dorme.
4ème
jour
Nuit de
merde encore. Journée de merde. Mon-sieur
a trop chaud pour aller dehors, qu’il me dit cet empaffé avec son petit sourire
en coin, que je lui péterais bien toutes ses dents. Il fera moins le joli cœur
après ça. Pas moyen d’y rester, ça pue !
L’envie est
là, de plus en plus forte. Le patch ne sert à rien. Je suis à cran, je le sens,
une véritable boule de nerf.
Je vais à la
salle de sport, taper dans le sac, un bonne douche et au pieu.
Je ne baisse
pas les bras, elle ne m’aura plus, je mets 2 patchs.
5ème
jour
Ah ouais ça
fait du bien. Trop c’est trop. Ce petit merdeux, dans la gueule il me mettait
la fumée, dans la gueule il s’est pris mon poing. Il s’est mis à couiner en
voyant son sang qui pissait de son nez. A mon avis il est pété, j’aurais peut-être
dû viser la mâchoire, lui broyer, il aurait dû mal à fumer après ça. Au moins,
son sourire en coin s’est effacé, il viendra plus me faire chier.
Mon doc veut
que je prenne des tranquillisants, pas besoin, aujourd’hui je suis calme, même
pas besoin d’aller à la salle de sport. Allez au pieu, faut que je sois en
forme ce week-end.
7ème
jour
Aucun respect,
non mais vraiment. Cette conasse, sachant que j’arrête de fumer, se pointe avec
cette odeur de clope, répugnant. Aucune envie de la prendre dans mes bras, de
la toucher, elle me donne envie de gerber.
Ma-dame a
été outrée (en ces termes, quelle rigolade) que je lui demande d’aller prendre
une douche et de ne pas lésiner ni sur le savon ni sur le shampoing si elle
voulait que je la touche. Elle a fini par y aller en râlant bien sur. Le pire
fut en sortant de la douche, quand elle a vu ses fringues dans la machine à
laver, trouvé son paquet écrabouillé dans la poubelle. La seule solution pour
la faire taire, ce fut de la mettre en position horizontal, je l’ai fait hurler
toute la nuit.
Mais ça n’a pas suffit, il a fallu qu’elle me
gonfle au réveil, ni une ni deux, dehors. Je ne vais pas me faire emmerder par
une poufiasse de fumeuse. Des nanas y en
a plein d’autre, surtout qui fume pas, y a juste à se baisser pour en ramasser.
Demain
boulot, j’ai hâte de revoir gueule d’amour et son joli nez.
Ouais c’est
cool d’arrêter de fumer, je me sens moi.
10ème
jour
J’ai la
haine, une putain de haine. Ces connards m’ont viré pour faute lourde. Ils ne
peuvent conserver un élément aussi agressif et violent. Ben voyons entre fumeur
on se sert les coudes. Trois jours de palabre pour rien. Et l’autre empaffé, il
avait retrouvé son petit sourire en me voyant ramasser mes affaires sous bonne
escorte. La petite cerise, si je ne fais pas d’esclandre, il n’y aura pas de
poursuite. CONNARD DE MERDE ! A cause d’eux, j’ai craqué, en sortant je me
suis acheté un paquet, j’en ai grillé une, deux et tout le paquet y est passé.
Je mets un
troisième patch.
15ème
jour
Je deviens
fou. Tous ces fumeurs là dehors. J’ai tellement envie que je les suis. J’en
deviens pathétique à humer cette fumée qui traîne derrière eux. Et tous ces
marchands de la mort avec cette carotte qui clignote, qui vous appelle, qui
vous tente. Je n’ose plus sortir de chez moi, la tentation depuis ce jour
fatidique de mon renvoi est trop forte. Cette violence qui monte en moi,
l’envie de tout casser. Je ne dors plus. Qu’est ce qui m’arrive ? J’erre
dans mon appart, en caleçon, pas lavé. C’est ça la dépression ?
20ème
jour
J’ai accepté
le traitement de mon doc. Je me relis, je suis effaré, c’est pas moi. Non c’est
pas moi. Ma copine, après le énième appel d’excuses a accepté de me voir. On
s’est donné rendez-vous dans ce petit café qu’on aimait tant.
Elle s’est
assise en face de moi, a sorti une cigarette, m’a craché la fumée au visage
tout en me disant d’aller me faire foutre (en ces termes je ne rigole plus), et
m’a planté là. Je suis resté une heure là sans bouger, ne comprenant pas ce qui
m’arrive. C’est la chute libre. L’apocalypse arrive. Le sac, il faut que
j’aille taper dans le sac.
32ème
jour
J’ai un
début de réponse. Les nuits sans sommeil à réfléchir ça aide. Bientôt, je serais prêt. Je n’ai pas touché
une seule cigarette depuis ce maudit jour. Je suis à nouveau à un patch par
jour depuis 10 jours. Plus de manque. Il faut changer ses habitudes, son mode
de pensée. C’est ce que je fais, je me prépare. J’ai rejoint un groupe de non
fumeur, nous sommes arrivés à la même conclusion, on va vers un monde meilleur.
36ème
jour
Elle a
accepté de me revoir, le pot de l’amitié je lui ai dit. Cette fois-ci, elle n’a
pas eu le temps de sortir une cigarette, la balle entre les deux yeux l’a
arrêté net.
Le temps de
me changer, je me suis dirigé vers mon ancienne boîte. Arrivé sur le parking,
j’ai bien choisi mon jour, la réunion mensuelle a commencé. Personne ne me
reconnait, je suis malin. Je rentre dans la salle enfumée, et je tire dans le
tas. Une quarantaine de fumeur en moins.
Je jubile,
l’épuration a commencé, je n’ai plus besoin de patch.
39ème
jour
Depuis deux
nuits, la ville est illuminée de mille feux. Les carottes ne clignotent plus.
Les marchands de la mort sont aux chômages. J’ai envoyé à la presse mon
manifeste.
40ème
jour
Les fumeurs
hurlent devant ce qu’ils appellent une catastrophe.
Je suis,
donc, sorti de bon matin, les poches pleines. Au gré de ma promenade, j’ai
exaucé le vœu de ces fumeurs, la mort est venue les cueillir. Je n’ai fait
aucune distinction d’âge, de sexe. Ils fument, ils meurent, j’ai arrêté de
compter au centième. A quoi bon, ce n’est pas un concours.
La journée a
été longue, je suis épuisé, l’épuration continue. Ils me cherchent. Je suis malin, ils ne m’auront pas si
puissante soit-elle cette secte.
43ème
jour
Les
marchands de la mort et les fumeurs sont descendus dans les rues, réclamant
justice. Ils ont eu ma justice. Trois bombes ont explosé. Les policiers de la
secte sont en déroute. Ils me cherchent, ils ne me trouvent pas. Ils enragent.
Demain je me
repose.
44ème
jour
Je ne peux
pas. Je suis sorti, mon œuvre doit continuer. Ils sont devenus méfiants, ils se
regardent entre eux suspicieux. La cigarette rend bête, ils n’ont pas pensé à
regarder en haut. Ils ne peuvent rien contre la mort. Ils ont beau courir, hurler,
me supplier, les balles les atteignent tous, je suis un expert. Les rues, les
trottoirs, les caniveaux deviennent rouges sang, la ville sera bientôt
désinfectée.
Les
munitions commencent à me manquer. J’ai l’impression d’avoir été suivi. Je dois
changer de tactique, je dois réfléchir.
La maison
est encerclée, la rue barricadée. Ils m’ordonnent de sortir. Non. La cigarette
et sa secte ne m’aura pas, il ne me reste qu’une seule alternative.
J’ai arrêté
de fumer depuis 46 jours, dix jours sans patch, je suis un WINNER.
Ils vont
donner l’assaut, le quartier s’illuminera de mille feux.
Un an plus
tard.
Je n’ai pas
touché une cigarette depuis un an. J’ai survécu à la secte. Ils me croient
mort. Je ne suis plus seul.
Mes
disciples sont prêts. La vraie épuration peut commencer …
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